_CALDWELL •• a fairytale gone bad {réservé

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La vie est dure. Quand on a tout juste huit ans, il nous semble que, avec nous, les enfants, la vie est encore plus dure qu'avec tous les vieux ; parents, oncles, inconnus y compris. Et que faire, dans ce genre de situation ? Comment réagir ?

« Dégage, rouquine. » le garçon, qui ne devait pas avoir plus de onze ans, poussa Ruby assez violemment, la faisant trébucher. La gamine plissa le nez, dégoûtée et vexée par une telle attitude. Mais que pouvait-elle demander de plus ? Il était plus âgé, il était beau (enfin, c'était ce qu'elle pensait, à ce moment là ; maintenant, elle dit qu'elle était juste très bête). Il avait même son propre vélo ! C'était juste la classe incarnée aux yeux de Ruby qui, pour une raison tout aussi mystérieuse qu'absurde, s'était mit en tête que Luke était son prince charmant. Même s'il était trop agressif, trop violent, trop grossier pour ressembler, ne serait-ce qu'un tout petit peu, aux héros des dessins-animés.

Il fallait dire que pour son âge, Ruby n'était pas un petit ange, non plus. Luke devait bien être le seul garçon du quartier qu'elle n'avait jamais insulté. Elle était tombée amoureuse, comment pouvait-elle ? La fillette poussa un long soupir exaspéré, regardant son amour d'enfance s'éloigner, riant avec sa bande d'amis. Ils se moquaient certainement d'elle. C'est alors que son regard se posa sur le garçon qui jouait avec son chien, non loin de l'endroit où elle se trouvait. Il avait des cheveux couleur cuivre avec des reflets dorés au soleil et son sourire en coin légèrement rêveur ne quittait pas ses lèvres. Il ne se retourna pas, pendant qu'elle l'observait, bien trop occupé à lancer la balle à son ami poilu. C'était le seul gamin présent sur le terrain de jeux ; enfin, le seul qui parut "assez normal" aux yeux de Ruby et c'est tout naturellement qu'elle s'approcha de lui, s'asseyant sur la balançoire et plongeant son regard un peu trop grave et sérieux pour son âge, dans le sien.

« Bon, est-ce que je suis laide ? »
« Hein ? » lança le garçon alors que ses joues s'étaient empourprés.
« Je suis moche, c'est ça ? »
« Bah non... »
« Mais si, je sais bien que c'est ça. »
« Pas du tout. »
« Hum. Qu'est-ce qui tourne pas rond chez moi alors ? »
« Je sais pas moi. Pourquoi tu...? »
« J'comprends pas, j'essaie d'être sympa pourtant. J'ai pas l'air agressive là, si ? »
« Euh... »
« Ouais, c'est ce que j'avais pensé. Merci pour ton aide, mon pote ! »

Sans lui laisser le temps de répondre, Ruby avait déjà sauté de la balançoire et fit mine de s'en aller, l'air toujours pensif ; elle était en proie à une réflexion profonde "Pourquoi ne plaisait-elle pas à Luke ?" En voilà un mystère qu'elle ne parvenait pas à résoudre.

« T'sais, Luke est juste un idiot. » la voix du garçon inconnu avec lequel elle venait de discuter de ses problèmes, si on peut dire ça, la força à s'arrêter et à se retourner, étonnée. Le gamin rougit à nouveau sous son regard attentif, mais réussit quand même à trouver le courage nécessaire pour la regarder droit dans les yeux. « Il ne mérite pas une fille comme toi, crois moi, c'est un abruti. S'il ne voit pas à quel point tu es jolie et sympa, il n'y a que ça comme explication. »

Prise au dépourvu par cette révélation soudaine, Ruby ouvrit la bouche, mais ne parvint pas à formuler une quelconque phrase... de remerciement ? Histoire d'être polie. Non, déjà que ce n'était pas son genre. Mais quand même. C'était la première fois qu'un garçon était aussi gentil et lui disait de telles choses. Ce dernier, de son côté, esquissa un faible sourire, avant de tourner les talons et s'en aller, suivi par son chien qui aboyait joyeusement.

« Hey ! Hey, attends ! » c'était un cri de désespoir, mais elle ne parvint pas à le retenir. « Comment tu t'appelles ? »
« Caldwell. »
« Hein, quoi ? C'est un prénom ça ? »
« Mais non, andouille. » il éclata d'un rire cristallin. « Nom de famille. »
« Ouais mais le prénom ? »
« Un jour, peut-être. Si on se recroise, je te le dirai ! »
« Mais, mais...! » elle haussa la voix encore plus, car il était déjà bien loin, mais il ne lui répondit plus et bientôt, disparut de son champ de vision. Elle ne revit plus ce gamin, ni le lendemain, ni la semaine suivante, ni même des années après ; bien qu'elle vécut dans cet immeuble pendant longtemps et qu'elle ne déménagea qu'après avoir fêté son dix-huitième anniversaire. Elle venait souvent sur le terrain de jeux, dans un espoir enfantin de le revoir, de le reconnaître ; ce garçon aux yeux noisette aux éclats de miel, rieurs et joyeux, ceux qui restèrent gravés dans sa mémoire et que le temps n'effaça jamais.